Parlons de la nouvelle série Netflix Family Business avec Gérard Darmon, Liliane Rovère, Julia Piaton et Jonathan Cohen, en clair un casting 5 étoiles - les autres seconds rôles ne sont pas mal non plus. Mais que s'est-il passé ? Alors que la série dispose d' un vivier d'acteurs talentueux, qui jouent plus que correctement, la série est d'une prévisibilité incroyable et totalement vaine. Une sensation de gâchis, une véritable confiture aux cochons pour rester dans la thématique de la boucherie familiale.

Affiche de la série Family Business
Affiche de la série Family Business

LE PITCH DE LA SÉRIE

Une famille de bouchers se lance dans un commerce d'un genre particulier après avoir eu accès à un délit d'initiés atypique : le cannabis va être légalisé. 

CE QUI CLOCHE

ATTENTION SPOILERS (nous allons expliquer notre point de vue sans donner trop d'exemples pour éviter le maximum de spoilers même si parfois la démonstration l'exige)

Un manque de cohérence qu'on pourrait tolérer s'il était au service de l'humour mais on ne rit pas franchement aux éclats devant la série. On sourit vaguement mais, la plupart du temps, on est affligé par les situations qui se veulent grand-guignolesques mais ne sont que vulgaires. La vulgarité est sans doute dû au manque de développement des situations et des personnages, également parce que les péripéties sont à peine esquissées. Si les choses avaient été plus écrites, plus développées, cet éceuil aurait été évité...Mais avec des si...

Cette constatation vient soutenir le deuxième point négatif : on a l'impression qu'il faut aller vite pour capter/conserver l'attention du téléspectateur. Par conséquent,l'émotion n'a jamais le temps de s'installer. Par exemple, les retrouvailles en amoureux dans un moment charnière : elles sont expédiées en deux coups de cuillères à pot. Pourquoi ne pas permettre à l'émotion de s'installer ? Pourquoi être dans le zapping permanent ?
Les bonnes histoires sont celles qui permettent à tous les sentiments de s'exprimer, on peut pleurer dans une comédie familiale et rire dans un drame, si on développe des scènes  permettant de ressentir davantage d'empathie pour le personnage. Dans l'écriture scénaristique de cette série, il manque le développement, 
tout reste en surface. Les acteurs ne sont pas en cause. L'écriture et le montage, par contre, méritent perpète (soit-disant la drogue ça rend créatif...ou pas...).

Les acteurs de la série Family Business, copyright Netflix
Les acteurs de la série Family Business, copyright Netflix

 

Des dialogues qui sonnent faux

Dans le premier épisode, il y a un abus horripilant du terme "frère" dans les dialogues. Pourquoi Olive, le meilleur ami de Joseph, change-t-il d'ailleurs de manière de parler au fil des épisodes, sans transition ? Dans le premier épisode, il n'arrête pas de dire "frère" ce qui ne sonne pas juste dans la bouche du personnage, malgré le jeu de l'acteur qui passerait très bien si c'était du doublage, mais pas quand on le voit à l'écran.

Le personnage d'Olive n'a ni le look ni le background fictionnels qui justifient son langage. On n'y croit pas. Vouloir copier le phrasé de la banlieue pour faire jeune et dans l'air du temps, c'est ringard. Le personnage d'Olive est vraiment plus intéressant (et moins énervant) quand il parle en cohérence avec ce qu'il représente, c'est à dire sans employer des tournures idiomatiques issues de la Seine Saint Denis. Pourquoi lui mettre en bouche des dialogues de cité, alors qu'il a davantage l'air d'appartenir à la classe moyenne ou du moins à un environnement social qui ne connait des cités que les reportages dans les journeaux télévisés ? Ou alors il fallait s'inspirer rééllement des gens de la classe moyenne, imitant la façon de parler de certaines personnes de banlieue (peut-être était-ce le but visé mais c'est raté)...Ceci dit nous avons un scoop : en banlieue aussi vivent des classes moyennes et certains membres savent switcher entre parler correctement au travail et de manière plus familière avec leurs amis. Et elles sont crédibles: pas comme Olive qui devrait aller faire un stage linguistique à Saint Denis.

Olive tape très vite dans l’œil de la "bourgeoise" Clémentine, dont l’indiscrétion va décider du destin des personnages. Là encore : ça va un peu vite et ça paraît louche.

Autre incohérence du scénario, mais on ne le saura que 5 épisodes plus tard: c'est à Joseph et non à Clémentine, qu'on reprochera l'échec final. Nous avons l'impression qu'en chemin un arc narratif s'est fait la malle (il est allé planter du chanvre sans doute).

Des clichés à la pelle

Parlons du personnage de Clémentine justement pour illustrer ce qui ne nous plait pas. Pour une fille de ministre et une influenceuse, son look et son intelligence laissent à désirer. Si le scénariste souhaitait instiller de la loufoquerie dans son histoire, ce personnage était idéal. Hélas, jamais l'écriture n'est capable de restituer cette loufoquerie, de récréer une ambiance absurde avec talent. Le personnage de Clémentine est totalement raté, oscillant entre imbécillité et excentricité relevant de la psychiatrie. Il est de bon ton de critiquer les influenceuses mais si elles sont suivies par des milliers, voire des millions de personnes, c'est qu'elles ont du talent, une force de travail et de l'inteligence car il n'est pas donné à tout le monde de fédérer une communauté et de promouvoir des produits avec succès. Quand on voit la bétise de Clémentine, c'est quasiment une stigmatisation des jeunes filles qui choisissent ce nouveau métier.

Avec ce personnage de Clémentine, l'objectif était-il de critiquer les bourgeoises ? Les influenceuses ? Les femmes, peut-être, tout en stigmatisant l'intérêt érotique qu'elle porte à Olive ? Le scénariste a-t-il un dossier à régler avec une influenceuse ? Le personnage de Clémentine est une insulte à l'intelligence. Pourquoi le scénario a-t-il fait porter toute cette crétinerie sur les épaules d'une seule femme ? La scène où Clémentine coupe le doigt d'Olive est même complètement débile, à l'image du personnage, pour une fois la construction du personnage est cohérente...ce personnage n'est vraiment pas réussi.

Parmi les autres clichés : le couple juif-arabe secret, dont la dissimulation est justifiée par la situation amicale des intéressés, ou encore le frère de la petite amie maghrébine, Youssef, qui sort de prison. Quelle est cette mode scénaristique d'imaginer que dans une famille maghrébine, il y a forcément un bon élément, souvent niais d'ailleurs, et un mauvais, généralement en prison, dont il sort à un moment pour ramener le chaos ?  Pourquoi ne pas avoir choisi simplement une famille avec des membres à problèmes, comme il s'en rencontre dans toutes les communautés ? Du cliché, du cliché et encore du cliché, c'est tout ce que Family Business nous propose.

Des personnages caricaturaux

Tous les personnages de cette série sont caricaturaux. On devine dès le premier repas de famille, avant même la scène au téléphone, que la fille de la famille est lesbienne. Pourquoi ? Parce que tout est prévisible. Les explications, les différentes intrigues et retournements de situations sont amenées trop rapidement.

On expose une situation et un personnage au spectateur sans lui laisser le temps d'apprécier la complexité du personnage, de ressentir de l'émotion, de réfléchir, d'intégrer, de savourer ce qu'on lui raconte. Le scénario lui donne tout de suite l'explication, la solution ou alors il est confronté à une autre intrigue, ce qui ne permet pas d'accrocher véritablement à la psyché des personnages et aux intrigues secondaires, et même,tout simplement, d'accrocher à l’intrigue principale.

Un format trop court

Le format des épisodes , environ 26 minutes, est beaucoup trop court.

Les épisodes ne laissent pas l’atmosphère et les personnages s'installer , et le découpage en 6 épisodes seulement, oblige à ramasser l'intrigue et à aller vite, générant les défauts de la série que nous avons pointé jusque là.

A vouloir respecter un format, on ne produit que du formaté. C'est comme ça qu'on rate sa recette, alors qu'on avait les meilleurs ingrédients. Ce n'est pas en respectant les standards qu'on fait de bonnes œuvres. Il faut savoir innover surtout quand on a la chance d'avoir à disposition des acteurs de cette qualité.

Le talent des acteurs gâché

Quand on a la chance d'avoir des acteurs de cette trempe, il faut leur donner des choses à jouer.

La notoriété des acteurs et le capital sympathie qu'ils peuvent susciter auprès du public sont considérables (Julia Piaton a quand même joué dans Qu'est-ce qu'on a fait au bon dieu ? Liliane Rovère est célèbre avec Dix pour cent, on ne présente plus Jonathan Cohen et Gérard Darmon...)

Il est certain que chacun de ces acteurs disposent d'une large fan base qui va regarder la série et trouver sympathique de les voir réunis et...être indulgent. Trop. Mais désolé, on ne prend pas Jonathan Cohen dans un rôle principal dans une série pour le sous-exploiter à ce point ! C'est comme si on vous donnait du caviar, que vous garnissiez un sandwich de pain de mie premier prix avec, et que vous le laissiez macérer toute la journée, emballé dans du papier alu, au fond de votre sac de sport ! Image caricaturale, pour un emploi de l'acteur non moins caricatural.

Au delà du talent de chacun des acteurs et de leur virtuosité à jouer leur partition, aucun ne réussit à masquer le côté non abouti de l'écriture de la série, les creux, et le fait que tout ceci soit vain. Un bon acteur, s'il n'a pas une bonne histoire, ne peut pas sauver un film ou une série. Même en unissant leurs forces, les acteurs ne sont que les interprètes de l'histoire.

Un comique de situation mal exploité

L'humour de la série fonctionne peut-être pour certaines personnes car l'humour est par essence subjectif.

Pourtant, on ne rit jamais aux éclats, les premiers épisodes sont certes plus drôles que les derniers. Plus on avance dans l'histoire, moins on rit.  Globalement, les situations ne sont jamais drôles, basées la plupart du temps sur l'humiliation, le comique tombe à plat. On s'emm...... 

Certains dialogues et situations sont même franchement vulgaires voire pathétiques : par exemple, dans le dernier épisode quand la méchante femme gangster urine sur les vendeurs de cannabis de la team Hazan. Et ne parlons pas de la "raie publique" jeu de mots vraiment foireux qui pourrait faire rigoler si dans l'histoire il survenait au bon moment...

Une histoire mal écrite ne pourra jamais captiver un spectateur

A vouloir capter à tout prix l'intérêt du spectateur, celui-ci ne suit pas. On décroche rapidement au fil des épisodes. A la fin, on regarde d'un œil distrait alors que tous les ingrédients étaient là pour faire une grande série. Une impression de ratage à déplorer mais révélatrice de la crise scénaristique actuelle.

Les séries françaises ne savent pas bien raconter des histoires, développer des intrigues et des personnages parce qu'elles copient des recettes et/ou toutes les séries américaines, plus ou moins dans leur format ou dans leur manière de raconter, de proposer un univers. Cela s'améliore de plus en plus mais pas pour cette série.

Il faut réapprendre à écrire des histoires, des scénarios audacieux, qui portent en eux une spécificité, française ou pas, du moment que cette spécificité repose sur de la créativité et non sur un copier-collé des schémas actanciels anglo-saxon mis à la sauce française. Nul doute qu'en faisant acte de créativité les spectateurs seront intéressés. Cessons d'être frileux. Family Business avait cette opportunité d'être audacieuse. Pourquoi une mauvaise écriture a-t-elle tout gâchée ? Sans doute parce que l'écriture de la série ne s'est pas affranchie des codes de l'écriture de série, notamment anglo-saxonnes, ou parce que finalement elle a confondu audace et grand guignol. 

Pour conclure, face à la pléthore d'articles élogieux, ceux qui écrivent des articles voient-ils vraiment en intégralité les séries qu'ils commentent ou se basent-ils sur un visionnage partiel et des dossiers de presse ?
Family Business n'est pas la seule série ou le seul film concerné, nous constatons qu'il y a un clivage entre ce qu'on nous présente avant visionnage au travers du matériel promotionnl et la réalité (ce que nous expérimentons quand nous voyons vraiment l'oeuvre).
A la lecture des articles de nos confrères, quasi tous élogieux, nous attendions beaucoup de cette série, notre déception n'en est que plus grande.

Donc, voici notre verdict en toute honnêteté : Family Business is not our business. Ou alors, en français : c'est pas du tout ma came...

 

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