Il n'est pas exagéré de dire que le film Un monde plus grand de Fabienne Berthaud est d'utilité publique à notre époque. Basé sur l'histoire vraie de Corinne Sombrun, porté par la lumineuse Cécile de France, il retrace le parcours de Corinne, veuve inconsolable, qui va découvrir sa véritable identité et sa mission de vie. Dans notre monde incertain, anxiogène, basé sur les apparences où l'individu est coupé de sa véritable identité et de sa nature profonde par le poids des conventions sociales et où il est surtout conditionné par la peur, Un monde plus grand explore les potentialités infinies de l'être et la libération que procure le fait d'être vraiment soi-même. Le film nous rappelle que les plus grandes aventures intérieures déclenchent également de grandes aventures extérieures humanistes et progressistes bénéfiques pour tous, y compris quand on est un loup !

En fait, dans ce film,  être un homme (ou plutôt ici une femme) qui est un loup pour l'homme, ce n'est pas une mauvaise chose : au contraire, Corinne va même faire avancer la science ! Une aventure hors du commun, sans pathos, à découvrir en salles depuis le 30 octobre.

Affiche du film Un monde plus grand de Fabienne Berthaud
Affiche du film Un monde plus grand de Fabienne Berthaud

Le pitch : Corinne, ingénieure du son et veuve en pleine dépression suite au décès de son mari, part en Mongolie réaliser un reportage sonore sur les chants traditionnels. Lors de l'enregistrement d'une cérémonie chamane, elle expérimente, pour la première fois de sa vie, une transe partiulièrement intense qui va bouleverser le cours de son existence. Corinne apprend alors qu'elle a un don et qu'elle doit être initiée aux rites chamaniques. C'est le début d'une aventure itérieure et la rencontre avec une vieille chamane, Oyun, qui va l mener dans un monde inconnu lui permettant de se révéler. C'est aussi le début pour Corinne d'une confrontation avec les êtres qui lui sont chers et d'une rencontre avec le corps médical, finalement beaucoup moins fermé que ses proches à l'exploration de ce nouvel accès à la conscience ou à l'inconscient, chacun verra midi à sa porte. En tout cas, ce qui est sûr, c'est que Corinne va découvrir qui elle est et pourquoi elle est sur Terre. Le miracle c'est que cela parle et s'adresse à chacun de nous : être soi-même, se retrouver, retrouver le bohneur et le partager...Autant d'axes déployés par le film.

UNE PHOTOGRAPHIE ET UNE REALISATION DE QUALITE

La réalisation de Fabienne Berthaud est exemplaire : l'image est très belle, les cadrages pertinents, la nature filmée avec amour. Prouesse également dans les scènes d'intérieur, tournées sous tipi. On ressent vraiment l'énergie lors des scènes de cérémonies chamaniques. Bien évidemment, pour totalement adhérer à l'univers, c'est plus facile si on est ouvert à cette approche ou tout simplement curieux, et tout le monde n'aura pas la même expérience. Mais même ceux qui ne verront que des scènes documentaires ne pourront dénier le talent de la réalisatrice qui nous donne à voir des images fortes, belles et intriguantes.

Cela est d'autant plus à saluer que le tournage n'a pas dû être évident. Il a eu lieu à la frontière de la Sibérie dans des conditions rudimentaires : pas d'eau, pas d'électricité, pas d'internet. On ne resent cependant que de la grace dans cet univers rudimentaire. La nature est come nous l'avons dit, extrêmement bien filmée, on a envie de découvrir en vrai ces lieux reculés. La réalisatrice a expliqué qu'elle avait vécu une autre temporalité et une réalité différentes au contact du peuple Tsaatans, qui sont des nomades éleveurs de rennes et qui jouent le rôle des membres de la tribu qui acceuille Corinne. Un tournage, qui comme l'histoire et les émotions du personnage principale, fut authentique et une aventure à part entière. 

UN FILM EPREINT D'ENERGIE POSITIVE AVEC DE FABULEUX ACTEURS

La scène d'ouverture où Cécile de France suffoque de chagrin dans ses draps blancs est magnifique tout comme la scène de millieu du film qui se déroule sous l'eau. Mention spéciale à Cécile de France, qui incarne le personnage de Corinne avec une authenticité, une sincérité rares. L'actrice est pleine d'amour pour son personnage, elle partage les émotions avec une générosité et une mise à nu rarement vus au cinéma. Elle est de tous les plans ce qui réclamme une énergie particulière et elle incarne toute une palette d'émotions fortes.

Cécile de France est une fabuleuse actrice, on le savait déjà mais on en a la preuve une fois de plus. Elle donne et ne se ménage pas. Dans le film, elle irradie du don de soi, incarnant un rôle inhabituel à la fois au cinéma et dans sa filmograpie.

Filmée au naturel, sans se préoccuper de sa photogénie, on sent que l'actrice a mis son corps à rude épreuve, notamment lors des scènes de transe. Et pourtant l'épreuve semble ne pas être douloureuse, l'actrice fonctionne presque comme un canal énergétique sans jamais se départir de sa  bienveillance et de sa foi en l'être humain. Elle rayonne. Une grande performance d'actrice, que nous espérons voir récompensée.

Face à elle, opposée, totalement fermée, rationelle, voire antipathique, Ludivine Sagnier endosse un rôle ingrat, presque de faire valoir. Elle interprète le rôle de la soeur de Corinne, enceinte jusqu'aux yeux et réfractaire à tout ce qui est irrationnel. Pleine de peur, elle croit aux antidépresseurs et symbolise l'épreuve que devra surmonter Corinne, car les deux soeurs , bien que différentes, sont très proches. Suivre son chemin, affirmer sa différence pour Corinne c'est risquer de perdre l'amour de ses proches. Filmée d'une façon qui ne la met pas en valeur, Ludivine Sagnier fait également preuve de générosité, en acceptant un rôle anti-narcissique pour une comédienne. Elle, c'est la méchante même pas intéressante.

Bravo en tout cas pour la direction d'acteurs qui inclue aussi de composer avec les acteurs non francophones. A noter que l'actrice qui joue la chamane, est la seule actrice mongole du film et qu'elle n'est pas chamane dans la vraie vie. Une composition d'autant plus exemplaire que pour les Mongols, incarner un chaman n'est pas anodin.

Particularité émouvante du casting : la personne qui joue l'interprète fut véritablement l'interprète de Corinne Sombrun, lors de son expérience qui lui a inspirée le livre Mon initiation chez les chamanes, sur lequel se base le scénario.

UN VOYAGE DU HEROS 

Indépendamment de l'aspect biopic, ce film a des qualités scénaristiques incroyables. En regardant ce film nous avons songé au livre Le héros aux mille et un visages de Joseph Campbell. Voilà qui pourra susciter un intérêt pour les plus septiques ou ceux qui se demandent si le chamanisme va les intéresser.

© Haut et Court - 3x7 Production
© Haut et Court - 3x7 Production

 

Toute la structure de la quête du héros est développée ici : attention spoilers.

Corinne est en status quo (elle pleure son mari adoré), elle reçoit l'appel de l'aventure (départ pour tourner un reportage en Mongolie), elle ne veut pas y aller, elle y va, elle vit une épreuve (la transe révélatrice), elle reçoit une révélation qu'elle refuse, elle est finalement aidée par quelqu'un de plus sage qu'elle (la chamane), elle vit une quête (spirituelle et plus pragmatique puisqu'elle pense pouvoir revoir son époux décédé) , elle traverse de nombreuses épreuves de découragement, elle transcende tout cela, elle revient à la vie normale pour transformer son quotidien et celui des autres (Corinne Sombrum est pionnière en acceptant que lors des transes son cerveau soit étudié par la communauté scientifique).

Le film nous rapelle finalement que la vie est une épreuve que nous pouvons transcender positivement. A travers toutes les épreuves que nous traversons, nous sommes tous des héros, surtout si nous mettons ensuite en commun et au service des autres le fruit de nos expériences. Et qu'au lieu de nous replier sur nous-mêmes,  nous pouvons aider, sauver et guider les autres (d'ailleurs Corinne sauve la vie d'un ami grâce à son "intuition"). 

C'est en cela que ce film nous a paru d'utilité publique, lors de notre époque individualiste, en proie à des challenges importants, où la quête intérieure en vue d'un partage collectif, ne sont pas sufisament valorisés et médiatisés. Laissez-vous donc embarquer dans cette aventure humaine, vous ne le regretterez pas. C'est un très beau, un très grand film.

Un monde plus grand, de Fabienne Berthaud, 1h40, en salles.

 

 

Retour à l'accueil