SERIE / LE BAZAR DE LA CHARITÉ
25 mars 2020Cette série en 8 épisodes , saisissante de réalisme dans le Paris de la fin du XIXème siècle est adaptée de faits réels : le dramatique incendie du Bazar de la Charité qui fit de nombreuses victimes, principalement des femmes.
UN CASTING HORS PAIR
Cette fiction, diffusée tout d'abord sur TF1 et disponible à présent sur Netflix, réunit de grands acteurs dont Audrey Fleurot, Josiane Balasko, Camille Lou, Julie de Bona ou encore Antoine Dulery, Florence Pernel mais aussi Gilbert Melki, Aurélien Wiik et même Stéphane Guillon .
L'histoire : avec pour point de départ le tristement célèbre incendie du Bazar de la Charité, nous suivons les parcours des victimes rescapées, majoritairement féminines, et les conséquences sur leurs existences.
UNE SÉRIE DIGNE DES ROMANS FEUILLETONS
Fresque à la fois historique et militante en faveur de la libération des femmes, la série est d'une grande modernité scénaristique, usant des twists et des cliffangers à la façon des Mystères de Paris d'Eugène Sue : le téléspectateur est emporté par l'intensité dramatique et les retournements de situation, on ne s'ennuie pas une seconde.
Le premier épisode est particulièrement spectaculaire, il présente une scène-clé de panique lors de l'incendie, qui dure une trentaine de minutes.
Portez bien votre attention sur ce premier épisode et sur cette scène de panique, déterminante pour comprendre la suite de l’intrigue.
Le premier épisode fait donc office d'acte d'exposition, tout se met en place. Ensuite, on part à l'aventure et il y a comme un lâcher-prise jubilatoire à accepter des situations incroyables, comme dans les romans feuilletons du 19e siècle.
UN HOMMAGE AUX GRANDES SÉRIES TÉLÉVISUELLES DU DÉBUT DE LA TÉLÉVISION ?
En regardant Le bazar de la Charité, On pense aux romans de Dumas ou encore aux séries des années 70 qui ont fait les beaux jours de la SFP, du temps de l'ORTF, comme La porteuse de pain ou encore Les Mystères de Paris, adaptés pour la télévision.
La magie de cette fiction repose beaucoup dans le fait qu'elle assume de briser les codes de la série traditionnelle française tout en réactualisant ce qui faisait le charme des premières grandes séries françaises produites pour la télévision, à l'époque où il ny avait que 3 chaînes.
Nous aurions pu citer Les gens de Mogador, Le cap de Bonne Espérance avec Agnès Soral, Paul et Virginie avec Véronique Jeannot, L'homme de Picardie avec Michel Picoli ou encore L'île aux 30 cercueils avec Claude Jade.
Ces séries sans doute ne diront rien aux plus jeunes, mais grâce à Internet, il est possible de les visionner et on voit bien comme Le bazar de la Charité est l'héritier de cette primo énergie scénaristique et narrative, hélas trop souvent oubliée dans la conception actuelle de séries françaises.
Dans Le Bazar de la Charité, on passe par tout un tas d'émotions, de réactions, pas de passivité, de snobisme, juste un divertissement qui s'assume comme tel.
UNE SÉRIE QUI SE FAIT L'ECHO D'ENJEUX ACTUELS
Autre preuve de la modernité de la série : au travers de personnages fictionnels, elle met en lumière des problématiques actuelles dont on a beaucoup parlé en 2019 et début 2020 (y compris lors de la catastrophique soirée des Césars).
Droit des femmes à disposer d'elles-mêmes, d'acquérir une autonomie financière, évocation des femmes victimes de violences conjugales, féminicide : autant de sujets graves qui sont amenés avec à propos, au service de l'histoire, sans nuire à la qualité de divertissement de la série.
Le Bazar de la Charité fait réfléchir tout en divertissant. Beaucoup de personnages masculins sont également intéressants dans leur complexité,y compris dans leur ignominie, nous regrettons peut-être une certaine tendance manichéenne à ce que la plupart des hommes de la série soient des incapables ou des ordures ou alors des soumis. Mais cela s'explique par le fait que pour une fois, les héroïnes sont des femmes. Elles ne servent pas de faire valoir.
QUELQUES PETITS DÉFAUTS MINEURS CONCERNANT LES PERSONNAGES MASCULINS MAIS UN DIVERTISSEMENT DE QUALITÉ
Le personnage de l'anarchiste terroriste au grand cœur est beaucoup trop policé, le journaliste pas assez viril et le personnage interprété par Gilbert Melki beaucoup trop ignoble mais il s'agit là de défauts mineurs pour une série de qualité. Cela peut s'expliquer par le souhait de créer des "types" masculins contre lesquels les "types" féminins vont se heurter ou s'associer et cela est finalement au service de l'action.
Le Bazar de la Charité, à voir seul ou en famille. Et pour une fois, on dit : binge watcher !
Réalisé par Catherine Ramberg et Karine Spreuzkouski.
Disponible sur Netflix.