Le documentaire Holp-up, consacré à la gestion de la crise du COVID-19 à travers le monde, est devenu viral en quelques heures, partagé par de nombreuses personnalités médiatiques et très vite commenté, analysé et...dézingué, que ce soit sur les réseaux sociaux ou dans les médias. Documentaire fleuve (2H43 quand même), financé par un crow-funding généreux (c'est dire s'il était attendu) il a été diffusé sur une plateforme payante avant d'être très vite piraté au grand dam de ses producteurs, et diffusé partout. Impossible que personne ne vous en ai parlé ou ne vous l'ai recommandé.

ENTRE THEORIE DU COMPLOT ET LANCEUR D'ALERTE 

Force est de constater que malgré notre accès permanent à l'information, le "bruit" de l'information ne nous permet pas toujours de comprendre les tenants et aboutissants des situations. Une information chasse l'autre, difficile de se concentrer, difficile d'être curieux. En fait, nous avons perdu la curiosité des Humanistes et c'est pourquoi un documentaire comme Hold-up sera considéré par certains comme l'illustration parfaite de la théorie du complot tandis que d'autre y verront une dénonciation d'un scandale liberticide.

Affiche du documentaire Hold-up de Pierre Barniéras

La vérité se situe probablement entre les deux : tout n'est pas à jeter dans Hold-up, il y a des réflexions intéressantes. Mais parmi ses défauts, le documentaire inclut un registre émotionnel qui vient brouiller un exposé factuel et circonstancié. De démontrer, on passe à persuader, ce qui entache la légitimité du projet et permet aux partisans de la théorie du complot de tourner en dérision une initiative noble : tenter d'avoir une réflexion, de prendre du recul et d'analyser.

Hélas, humain, trop humain ( les temoins du documentaire ont l'air majoritairement sincères) l'angle du documentaire fait la part belle au spectre complet des émotions au détriment des faits qu'il travestit  au service de sa prise de position.  Il brasse des sujets aussi éloignés que la crypto-monnaie, la vaccination, l'indépendance de la communauté scientifique et de nombreux thèmes, intéressants individuellement, certes, mais rassemblés ici au service d'une démonstration laborieuse qui peut se résumer ainsi : le nouvel ordre mondial est en marche. A cause de cette articulation, la reflexion, la prise de recul, l'analyse sont reléguées au second plan et les partisans de la théorie du complot peuvent alors s'en donner à coeur joie pour dézinguer l'entreprise.

UN DOCUMENTAIRE TROP LONG, CE QUI POSE PROBLÈME

La longueur du documentaire pose problème car la tentation est grande de le survoler, de le regarder de manière fractionné alors que ce genre de travail s'apprécie dans sa globalité. La démonstration que le documentaire tente d'effectuer étant "dissoute" dans l'ambition du projet. Par conséquent, il  y a un risque que le message soit mal compris, déformé ou perçu de façon parcellaire. Hold-up dénonce lui-même la volatilité de l'information, le fait qu'au bout de 48 heures, une information soit périmée. La réalisation du documentaire n'est cependant pas didactique pour autant : trop long, trop de plans inutiles comme ces plans sur les visages concernés des participants, ou ces vues de paysages qui participent peut-être à l'esthétisme, mais prolonge la durée du documentaire et le risque de décrochage du spectateur, sans compter, beaucoup plus grave  : la dissolution du propos.

UN SENTIMENT D'IMPUISSANCE ANXIOGÈNE

Malgré sa volonté de dénoncer et de faire réagir, ce documentaire nous a fait éprouver un sentiment d'impuissance anxiogène, comme si personne n'avait de vraie réponse, de solutions concrètes et on peut se demander si cette réflexion, cette prise de recul ne serait pas au fond une impossibilité à accepter, à lâcher-prise, à admettre que l'on ne sait pas, que quoi qu'on fasse l'erreur est possible. Car l'erreur est humaine.

D'ailleurs le documentaire fait lui même une grosse boulette : il commence par expliquer que les mesures sanitaires sont disproportionnées par rapport au COVID avant d'alerter sur la haute dangerosité de celui-ci et de souligner la cruauté des "élites " qui, selon le documentaire,  l'aurait  créé et diffusé. Il se contredit donc, comment se fait-il que les auteurs ne s'en soient pas rendus compte ? 

On peut d'ailleurs regretter ce procès fait aux "élites " qui dans le documentaire sont mal définies,  en faveur du "petit peuple" tout aussi mal défini, la demarche totalement floue, prête le flanc à une prise de position poujadiste. En tout cas, la lutte des classes n'est pas morte en 68.

Enfin, ce genre de documentaire ne redonnera pas la joie de vivre, l'optimisme et le courage à ses spectateurs. Regardez-le en connaissance de cause. Il est même à déconseiller aux dépressifs, aux anxieux et aux jeunes adolescents.

Si hold-up il y a, c'est donc bien celui de nos cerveaux : à la fois par la situation exceptionnelle et inédite que nous vivons actuellement, que par le traitement informationnel et émotionnel que notre société fait de la pandémie. Un constat s'impose cependant : la société de l'information grandit trop vite pour nos cerveaux et nos affects qui n'ont pas la possibilité d'en suivre le rythme. Je ne sais pas vous, mais j'aimerai simplement vivre...Et puis, comme disait mon grand-père, qui n'a pas connu les chaînes d'info ni la grippe espagnole : les avis, c'est comme les trous du cul, tout le monde en a un.

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