L’EQUILIBRIO est un film qui se prête à plusieurs lectures. A la fois exercice de style d’un amoureux de l’image (le réalisateur Vincenzo Marra fut photographe et cela se voit à ses cadrages impeccables) et réflexion sur la place du spirituel au sein de la cité, le film est également le témoignage de l’attachement pour une région.

Vincenzo Marra est très attaché à la ville de Naples, où il est né.

Il a réalisé de nombreux documentaires sur la ville et a fait des études de droit.

Justice, spiritualité, réalité sociologique : l’équilibre entre ces différents sujets est atteint pour ce film qui bien qu’intitulé L’EQUILIBRIO filme surtout le déséquilibre social et moral de notre époque, à travers le parcours d’un religieux en prise avec la Mafia locale.

On ne ressort pas indemne de la photographie trash qu’il nous met sous les yeux. Alors tous coupables de faire avec ? La foi peut-elle encore sauver le monde ou est-ce trop tard ? Le film ne tranche pas mais nous incite à réfléchir.

Affiche du film l'EQUILIBRIO, copyright Les films du Camélia
Affiche du film l'EQUILIBRIO, copyright Les films du Camélia

 

L’histoire : le père Giuseppe, encore jeune et séduisant, se fait transférer à sa demande dans une petite ville près de Naples suite aux sentiments amoureux qu’il suscite chez sa collègue. Il y remplace le curé local, Don Antonio, dont le charisme et le combat contre l'élimination illégale de déchets toxiques lui ont valu le respect de la communauté. Giuseppe se révèle un digne successeur mais pas comme attendu. Il refuse de baisser les bras, de fermer les yeux, luttant contre toutes sortes d’injustices, ce qui lui vaut davantage d’ennemis que d’alliés.

Ses actions, bien que justes, se heurtent rapidement à la dure réalité locale : drogue, viol, inceste, magouilles en tout genre. Ces dérives sont excusées, tolérées, escamotées…Seul contre tous, c’est le père Giuseppe, qui devient le principal suspect dans un monde où la corruption dicte sa loi.

 

UN CAUCHEMAR SOCIAL CONTEMPORAIN ET UNE REFLEXION PHILOSOPHIQUE

Image du film l'EQUILIBRIO, copyright Les films du Camélia
Image du film l'EQUILIBRIO, copyright Les films du Camélia

La présence du père et sa défense des plus faibles dérangent le caïd local et tous ceux qui sont corrompus financièrement ou moralement.

Le père Giuseppe devient vite indésirable et ne trouve aucun soutien localement et auprès de sa hiérarchie. Pire, son engagement et sa place au sein de l’Eglise sont remises en question.

C’est comme si la justice et la moralité avait disparues et avait été remplacées par une fuite en avant. Il ne reste de justifié et justifiable que la lutte pour la survie qui s’exprime de façon différentes selon qu’on est victime ou bourreau. C’est comme si les frontières entre le bien et le mal se diluaient, personne ne comprend pourquoi le père vient visiter les malades à l’hôpital, veut sauver un paroissien de la délinquance, soutenir une femme battue et protéger une jeune fille victime de viol.

Chacune des actions du prêtre sont interprétées comme s’il contrevenait à la morale sociale, comme s’il cassait l’équilibre atteint dans cette ville où plus personne ne se soucie de personne, où tout le monde a démissionné en espérant ne pas être la prochaine victime. L’individualisme forcené des habitants les conduit à laisser une adolescente se faire violer régulièrement sans réagir. La toxicomanie est certes encadrée mais au profit du dealer : ainsi le travail d’un des personnages principaux est de veiller à ce que les drogués continuent d’acheter et se droguent tous au même endroit afin de préserver l’image de la ville tout en ne nuisant pas au business… du dealer. Le père Giuseppe va découvrir des situations totalement aberrantes, qu’avec l’énergie d’un homme profondément moral, il va tenter d’éradiquer croyant simplement effectuer sa mission. Très vite, il va comprendre qu’il est un trouble-fête, qu’il rompt l’« équilibre ».

Image du film l'EQUILIBRIO, copyright Les films du Camélia
Image du film l'EQUILIBRIO, copyright Les films du Camélia

 

C’est alors que le père Giuseppe comprend qu’il est seul contre la Mafia certes, mais seul également face à l’inertie des habitants et de sa hiérarchie qui ne souhaitent plus régler les problèmes mais faire avec. Une société totalement incapable de distinguer le bien du mal, d’agir dans son propre intérêt, qui fuit toute prise de conscience. Il est clair que le film fonctionne comme une sorte de parabole de notre monde actuel désenchanté.

Cette expérience bien évidemment va remettre en cause la foi et l’engagement du père Guiseppe.

Image du film l'EQUILIBRIO, copyright Les films du Camélia
Image du film l'EQUILIBRIO, copyright Les films du Camélia

 

UN FILM EN PLANS SEQUENCES

L’intériorité du personnage est représentée dans L’EQUILIBRIO par une utilisation intelligente du plan séquence.  A plusieurs reprises, nous le voyons se déplacer dans des couloirs étroits, en sortir pour se retrouver dans des espaces extérieurs tout aussi étriqués, pour rentrer à nouveau, via des couloirs labyrinthiques, dans des pièces étriquées.

La première partie du film insiste beaucoup sur les déplacements du père. Déplacements qui révèlent un univers clos, déterminé, comme si le père était une souris dans un labyrinthe pour une expérience scientifique, comme si ses déplacements semblaient avoir un but mais semblaient seulement car toutes ses actions sont vouées à l’échec.

Le père Giuseppe malgré sa bonne volonté ressemble à un hamster qui tourne dans sa roue et nous, spectateurs, sommes horrifiées de son impuissance.

Lorsque nous suivons le personnage lors des plans séquences nous espérons toujours qu’il va trouver une voie mais c’est comme si dans chaque couloir il était inscrit : sans issue.

Une sorte de vertige s’installe alors, l’oppression des murs et des lignes verticales des plans fonctionnent de façon métonymique en rappelant les barreaux d’une prison (réelle et mentale). On songe aux plans d’Effi Briest de Fassbinder où déjà des lignes de ce genre symbolisaient l’emprisonnement social du personnage.

 

PEUT-ON ENCORE SAUVER LE MONDE ?

 

Les scènes d’extérieur jouent aussi beaucoup avec l’opposition intérieur / extérieur : ainsi le stade de foot extérieur qui devrait permettre aux enfants du quartier de s’amuser est-il transformé en un enclos à chèvre juste en raison du bon vouloir du caïd local. L’absurdité le dispute à la défaite. L’EQUILIBRIO n’est donc pas un film joyeux mais nécessaire. Il illustre une réflexion contemporaine sur l’engagement et la persévérance, sur le courage social et le courage politique et nous sommes tentés de rapprocher la thématique du film du livre La fin du courage de Cynthia Fleury qui aborde également ces questions de courages individuel et politique.

La question du choix est également abordée : quel sont les options, quels sont les « bons » et les « mauvais » choix dans une société abandonnée par les pouvoirs politiques et religieux ?

 

C’est toute la question du libre arbitre, qui existe d’un point de vue religieux, philosophique, légal et social qui est soulevée.

Comme le père Giuseppe, nous sommes sollicités pour nous positionner en regardant le film : est-ce que le prêtre a eu raison ou tort de faire tel ou tel choix ? Comment aurions-nous réagis à sa place ? Au moins, lui, il a essayé, comme le rappelle un jeune habitant de la ville.   

 

Un film qui fait donc réfléchir et qui pose aussi les questions de l’application pragmatique d’une démarche spirituelle quand cette dernière se heurte à des pragmatismes amoraux et immoraux. Le film pose clairement la question de la place de l’Eglise dans la société et d’une manière plus large sur la place de l’action individuelle.

 

 

UN FILM PRIME DANS DE NOMBREUX FESTIVALS


Le film sort en France ce 25 décembre 2019 mais il a déjà reçu de nombreux prix :

Mostra Internazionale di Venezia 2017 - Venice days
Busan International Film Festival 2017
BFI London Film Festival 2017
Sao Paulo International Film Festival 2017

 

Saluons le courage du réalisateur Vincenzo Marra, de s’attaquer de front à une réflexion aussi vaste et nécessaire. Pas facile, à première vue, de sortir un tel film en période de Noël. Pourtant il est bien question de spiritualité. Une spiritualité qui devrait guider la cité au lieu du règne de la loi du plus fort. Son film nous oblige à un temps de réflexion, nous rappelle que la transcendance est salutaire. Que seul l’amour du prochain et la réunion entre hommes de bonne volonté peut générer l’espoir d’un monde meilleur. Finalement, c’est un parfait film en cette période de fêtes et en cette époque où chacun cherche sa place. A voir.

 

L’EQUILIBRIO de Vincenzo Marra, avec Mimmo Borrelli, Roberto del Gaudio, Italie, 1H30, en salles.

 

 

PEUT-ON ENCORE SAUVER LE MONDE ?

Les scènes d’extérieur jouent aussi beaucoup avec l’opposition intérieur / extérieur : ainsi le stade de foot extérieur qui devrait permettre aux enfants du quartier de s’amuser est-il transformé en un enclos à chèvre juste en raison du bon vouloir du caïd local. L’absurdité le dispute à la défaite. L’EQUILIBRIO n’est donc pas un film joyeux mais nécessaire. Il illustre une réflexion contemporaine sur l’engagement et la persévérance, sur le courage social et le courage politique et nous sommes tentés de rapprocher la thématique du film du livre La fin du courage de Cynthia Fleury qui aborde également ces questions de courages individuel et politique.

La question du choix est également abordée : quel sont les options, quels sont les « bons » et les « mauvais » choix dans une société abandonnée par les pouvoirs politiques et religieux ?

 

C’est toute la question du libre arbitre, qui existe d’un point de vue religieux, philosophique, légal et social qui est soulevée.

Comme le père Giuseppe, nous sommes sollicités pour nous positionner en regardant le film : est-ce que le prêtre a eu raison ou tort de faire tel ou tel choix ? Comment aurions-nous réagis à sa place ? Au moins, lui, il a essayé, comme le rappelle un jeune habitant de la ville.   

 

Un film qui fait donc réfléchir et qui pose aussi les questions de l’application pragmatique d’une démarche spirituelle quand cette dernière se heurte à des pragmatismes amoraux et immoraux. Le film pose clairement la question de la place de l’Eglise dans la société et d’une manière plus large sur la place de l’action individuelle.

UN FILM PRIME DANS DE NOMBREUX FESTIVALS

Le film sort en France ce 25 décembre 2019 mais il a déjà reçu de nombreux prix :

Mostra Internazionale di Venezia 2017 - Venice days
Busan International Film Festival 2017
BFI London Film Festival 2017
Sao Paulo International Film Festival 2017

 

Saluons le courage du réalisateur Vincenzo Marra, de s’attaquer de front à une réflexion aussi vaste et nécessaire. Pas facile, à première vue, de sortir un tel film en période de Noël. Pourtant il est bien question de spiritualité. Une spiritualité qui devrait guider la cité au lieu du règne de la loi du plus fort. Son film nous oblige à un temps de réflexion, nous rappelle que la transcendance est salutaire. Que seul l’amour du prochain et la réunion entre hommes de bonne volonté peut générer l’espoir d’un monde meilleur. Finalement, c’est un parfait film en cette période de fêtes et en cette époque où chacun cherche sa place. A voir.

L’EQUILIBRIO de Vincenzo Marra, avec Mimmo Borrelli, Roberto del Gaudio, Italie, 1H30, en salles.

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