COMPTE RENDU / RESTITUTION TABLE RONDE NUMERO 2

LE POIDS DU SCENARIO DANS LE FINANCEMENT DES FILMS

Site web de l’association Scénaristes de cinéma associés : 

https://scenaristesdecinemaassocies.fr/

 

Affiche des journées du scénario
Affiche des journées du scénario

Sujet : Le poids du scénario dans le financement des films

 

« Depuis quelques années, les scénaristes du SCA observent une inflation marquée des réécritures de scénarios. La presque totalité des financeurs du cinéma exigent désormais des modifications du texte. Les refus des commissions sont de plus en plus souvent associés à des demandes de réécritures. Pourtant, on sait bien que ce n’est pas le scénario seul qui permet l’adhésion des financeurs, mais un ensemble (casting, profil du cinéaste et de la production, autres financements, etc…). Alors, qu’est-ce qu’on juge quand on lit un scénario ? Qu’est-ce qu’on évalue ? Le scénario n’est-il pas une sorte de bouc émissaire ? Ne lui demande-t-on pas trop ? Comment lire dans un scénario le potentiel d’un film ? Et toutes ces réécritures (parfois contradictoires entre elles) ne sont-elles pas, au final, dangereuses pour les films ? » (Texte Scénaristes de cinéma associés)

Lieu : Centre National du Cinéma et de l'Image Animée (CNC)
291 Boulevard Raspail, 75014 Paris, France

Intervenants :

Augustin Amri, diffuseur (Orange Studio).

Eric Lagesse, distributeur (Pyramide).

Frédérique Moreau, scénariste.

Elisabeth Perez, productrice (Chaz Productions).

Antonin Peretjatko, réalisateur.

Modératrice : Cécile Vargaftig, scénariste.

 

RESTITUTION TABLE RONDE NUMERO 2

LE POIDS DU SCENARIO DANS LE FINANCEMENT DES FILMS

Un sujet complexe :

Il met en œuvre beaucoup d’intervenants. Pour financer un film, il faut généralement un scenario qui est lu, relu, critiqué, accepté, réécrit.

Une inflation des réécritures :

Depuis 4 ou 5 ans, on réécrit de plus en plus, le métier de scénariste implique bien sûr des réécritures car on procède par couches pour affiner le scénario.  Mais actuellement les scénaristes réécrivent plus qu’auparavant et reçoivent des retours contradictoires qui fragilisent beaucoup l’alliance réalisateur, producteur, scénariste.

Le scénariste a besoin de garder le cap avec tous ses retours mais c’est difficile. La crainte : la réécriture de trop.

L’importance du coup de cœur :

Elisabeth Perez parle ensuite de son dernier film produit « Un amour impossible » de Catherine Corsini. Elle explique que c’est le coup de cœur qui a guidé son choix.

Augustin Amri s’occupe de l’acquisition de films chez ORANGE STUDIO. Son équipe de lecteurs fait des fiches à partir des scénarios reçus. Ils reçoivent environ 450 scripts. Le coup de cœur est très important pour lui aussi.

Des questionnements sur la lecture :

Qui lit les scénarios ? A travers quels prismes ? Pourquoi autant de lectures et de demandes de réécritures ? Comment peut-on faire face à l’inflation des réécritures ?

-Support de discussion-

Eric Lagesse, distributeur chez Pyramide films distribution, reçoit beaucoup de scripts donc cela implique beaucoup de lectures, c’est un énorme travail qu’il ne délègue pas, il lit tout ce qu’il peut. Pour lui le coup de cœur est également essentiel.

Selon lui, 80% de la décision de financer un film se décide sur les scripts car le script est souvent le seul élément tangible disponible. Beaucoup de premiers films sont financés par Pyramide et il se base surtout sur le script. Quand il lit un script, il aime ou pas. Quand il aime, il rencontre les auteurs et demande des précisions éventuelles, parle de ce qui va ou pas et ensuite l’auteur amène le résultat de cet échange. Il ne fait pas lire par des lecteurs. Pour lui, un scénario c’est aussi un support de discussion.

-Prisme de lecture-

Elisabeth Perez répond au sujet du prisme. Un producteur se livre à un suivi du travail du réalisateur, il y a des attentes mais tout dépend de la situation. Il y a des discussions sur comment a été vécu le film précèdent et cela oriente le projet qu’on a envie de faire.

Elle ne fonctionne pas avec des lecteurs, elle lit elle-même, pas de fiches de lecture. Pour elle, l’important c’est que le producteur ait envie de faire le film donc si rédaction de fiches c’est à posteriori uniquement pour traçabilité.

En tant que productrice elle se demande si elle est la bonne personne pour défendre un film avant de s’engager sur un projet.

  • Partage de la prise de risque-

Augustin Amri de ORANGE STUDIO répond sur le pourquoi de la lecture. Il explique qu’il y a inflation de scénarios. Pour lui, cette inflation demande des réécritures et parfois cette demande est nécessaire pour expliquer que le script en l’état n’est pas abouti. La richesse artistique, le coup de cœur, sont bien évidemment recherchés chez ORANGE STUDIO qui peut intervenir notamment pour partager le risque avec un distributeur qui aime le projet.

Après lecture du scénario, son équipe peut donner des directives et souligner les points positifs et les points négatifs du script.

La réponse après lecture est toujours simple : oui ou non. Les conseils sont à prendre ou à laisser, ce sont juste des conseils. Les fiches de lecture sont avant tout des outils de traçabilité.

-Cinéphiles wanted-

Frédérique Moreau se demande sur quels critères sont recrutés les lecteurs : elle formule un souhait de formation des lecteurs, une cinéphilie, de la culture incluant également une connaissance de l’histoire du cinéma.

Tout le monde s’accorde pour dire que pour lire des scénarios il faut avant tout aimer le cinéma et voir des films régulièrement.

-Financement, commission, retour dans commissions et régions -

- La perception des retours en cas de refus de financement-

¨Pour le réalisateur Antonin Peretjatko, les lecteurs sont des gens très mystérieux et les décisions de financement s'apparentent à une véritable loterie, il pense que tout dépend du jour où la décision de financement sera prise et du décideur, en gros tout dépend de la personne qui va évaluer votre oeuvre. Il regrette la subjectivité de cette évaluation. Son opinion est qu’à 90% les fiches de lecture contiennent des inepties.

Tout le monde n’est pas d’accord avec cette prise de position.

Elisabeth Perez rappelle que défendre le film d’auteur est difficile.

Cela introduit le nécessaire tampon entre les retours de lecture et le réalisateur.

  • Tampon lecteur réalisateur-

Eric Lagesse explique qu’il ne se base pas sur une fiche de lecture pour financer un film. Il recherche l’existence d’une ligne claire sur un film et une émotion. Pour lui il est difficile pour les auteurs d’être originaux à chaque fois. Pour lui le travail des producteurs c’est de protéger les réalisateurs et de ne pas tout leur dire donc pas nécessaire que les réalisateurs voient la fiche de lecture.

Il rappelle que les lectures puis les fiches constituent un écrémage et que cela peut servir au projet.

Les lectures ne sont qu’un filtre, le producteur ne fait jamais de retour au réalisateur sur ces fiches et retours, à l’origine destiné au producteur. Le réalisateur ne voit pas, et heureusement, l'ensemble des retours qui peuvent provenir de tout horizon.

 

  • L’importance de la confiance-

Pour l’ensemble des participants, il y a rappel de la nécessité d’une confiance entre les différents intervenants avant de financer un film.

Augustin Amri rappelle en effet que la confiance est primordiale. C'est pourquoi, les retours de lecture sont à destination du producteur car il faut penser au réalisateur. Certaines informations peuvent être parasites et ne pas être utiles pour lui.

Il faut surtout un point de vue commun et l'envie de travailler ensemble.

Pour lui cette multitude de réécritures n’est que le fruit d’une différence de perceptions et c’est surtout au producteur d’être impliqué et de défendre un projet, quelque que soit les retours.

L’objectif des lectures et des retours c’est uniquement de vérifier la lisibilité et cohérence du projet mais ce ne sont pas les déclencheurs d'une prise de décision.

  • Ce ne sont pas les fiches de lecture qui décident du financement d’un film-

Elisabeth Perez rappelle que les fiches ne sont pas ce qui la décide à produire un film. Ce qui la décide c’est la manière dont le réalisateur parle de son projet.

Certains participants déplorent qu’actuellement nombre de scénarios soient normés mais tous les participants ne sont pas d’accord. Ils citent des contre-exemple. Eric Lagesse cite ainsi, parmi d’autres exemples, LES OGRES, MAX ET LENI.

Alors qu’est-ce qu’un bon scénario qui donne envie de financer un film ?

Pour Augustin Amri, l’important c’est l’angle qu’adopte le scénario et aussi l’originalité. Il explique que le manque de créativité est lassant. Aux acquisitions d’ORANGE STUDIO, ils recherchent l’émotion, un angle nouveau. LES CHATOUILLES d’Andréa Bescond les ont enthousiasmés. Au départ ils avaient peur que ce soit du théâtre filmé mais ils ont quand même fait confiance et au final ce fut une excellente surprise.

Vers un conformisme de la narration ?

La modératrice pose la question de la normalisation des modes de récits et propose de discuter si les investisseurs attendent la norme.

Augustin Amri rappelle que ce n’est pas évident de savoir jusqu’à quelle prise de risque on peut aller pour des films qui ne seraient pas rentables et ne plairaient pas aux chaines.

Le débat s’oriente à nouveau vers les fiches de lectures.

Cette question du conformisme reste donc en suspens.

-Lectures selon statuts-

Il ressort que les grilles de lectures varient en fonction du statut du lecteur : chacun pioche dans ces grilles ce qui l'intéresse en fonction de son domaine d’activité.

Le distributeur s’intéresse à la sortie en salles. Le système de préfinancement en France induit une norme dans ce domaine.

Le public de cinéma et de télévision est différent. Eric Lagesse rappelle qu’il y a des miracles par rapport à cette impression de norme, par exemple le film PETIT PAYSAN où les spectateurs et téléspectateurs ont conjointement adhéré.

Il ressort que le cinéma est comme tous les arts : le succès est imprévisible, il y a toujours des exceptions qui confirment la règle.

FILMS DE GENRE

Le débat s’oriente ensuite vers le financement des films de genre qui disposent de peu de financements.

Existe-t-il la possibilité d’un marché pour le film de genre français ? Pour certains participants, Netflix va permettre un rajeunissement des grilles et par truchement il y aura une évolution ce domaine. Eric Lagesse craint que le film de genre devienne trop calé sur le format des séries et espère que la créativité sera préservée et développée.

L’avis du public :

Un des membres du public souligne qu’en France le scénario est trop important. Pour cette personne il faudrait aussi une sélection sur des dossiers basés sur photos. Les participants répondent alors avec l’exemple de MAX ET LENI et rappellent que de nombreux films ont des books incluant des visuels.

-Les réécritures tuent-elle le désir de faire un film ?-

Le débat revient sur les réécritures, pour Antonin Peretjatko les réécritures ne tuent pas le film mais le désir de faire un film.

Pour Frederique Moreau, avant de demander de trop nombreuses réécritures, il serait idéal que les lecteurs et les décideurs disposent d’une culture cinématographique, d'une connaissance de l’histoire du cinéma et que les demandes soient éclairées, incluant davantage le scénariste.

Pour Elisabeth Perez, il vaut mieux réécrire beaucoup avant de proposer un projet.

FIN DE LA TABLE RONDE LE TEMPS ETANT ÉCOULÉ

En savoir  plus : L’association Scénaristes de cinéma associés a publié un livre passionnant sur le métier de scénariste de cinéma, à lire absolument pour sa lucidité et la foule d’informations qu’il recèle.

« Scénaristes de cinéma : un autoportrait »

On peut bien sûr s’adresser auprès de l’association pour l'acquérir:

https://scenaristesdecinemaassocies.fr/

 

Ou passer par un circuit plus commercial : 

https://livre.fnac.com/a13173497/Collectif-Scenaristes-de-cinema-un-autoportrait

 

 

Scénaristes de cinéma un autoportrait

 

Note de la rédactice : Ayant assisté à cette table ronde il s'agit ici de mon compte-rendu, de nombreuses personnes n’ayant pas pu y assister m’ayant demandé ce qui avait était dit. Il s’agit d’une restitution, je ne donne absolument pas mon avis dans cette dernière. L’erreur étant humaine je me tiens à la disposition des personnes citées ou des organisateurs de l’événement pour corriger toute omission et/ou erreur de restitution éventuelle.

 

Nathalie Morgado

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